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Initiation

Initiation à l’étude de la microtoponymie

18 avril 2009 – Assemblée Générale  à Granges d’Ans


 

Intervention de Daniel CHAVAROCHE sur la microtoponymie locale des noms de lieux-dits.

Visite de l’église et des bâtiments. Dîner chez Bernard GAILLARD à la ferme du Grand Coderc.


Initiation à l’étude de la microtoponymie

Assemblée d’Hautefort Notre Patrimoine

 

Pourquoi ?

L’étude de la microtoponymie (noms de lieux habités ou non) dans nos communes devient une urgence pour deux raisons majeures :

- les cadastres actuels centralisent et épurent les noms de certains lieux non habités,

- les derniers témoins vivants, locuteurs natifs de langue d’oc, capables de les prononcer correctement, sont ceux de la génération la plus âgée qui s’en va doucement.

Accomplir ce travail de recherche, de compilation et d’explication revient donc à des associations ou des personnes bien implantées dans leur région, soucieuses de la conservation de ce patrimoine vivant.

Un travail analogue et simultané se déroule dans d’autres cantons de Dordogne. Il existe surtout un vrai réseau d’entraide, constitué de linguistes, de chercheurs expérimentés.

 

L’intention :

Elle n’est pas de mener l’étude de noms de communes, étude déjà achevée et publiée en 2009, (voir les documents communiqués par le Conseil Général : communes-oc.cg24.fr). Il s’agit là de l’étude des noms de lieux du cadastre actuel, de l’ancien cadastre appelé “cadastre Napoléon” mais aussi de noms de lieux n’existant que dans la mémoire des gens du pays.

Collecter, écrire en langue d’oc, expliquer (lorsqu’on le pourra) et surtout mettre le résultat des recherches à la disposition gratuite de tous (publications d’associations, sites internet de communes, de communautés ou de cantons ...), tel est notre but.

Organiser cette étude nécessite une petite mise à niveau des connaissances.

 

L’empilage des langues :

L’empilage des langues sur notre territoire proche doit être bien connu avant même de se lancer dans la recherche. Ces langues se sont combinées, ont parfois donné naissance à un nouveau parler, mais à coup sûr, pour peu que leur usage ait eu quelques siècles d’existence, elles ont façonné la prononciation et l’écriture des noms de lieux.

Si nous considérons notre époque actuelle de 2009, avant de remonter le temps, nous constatons que la langue la plus largement parlée sur le pays est le français. Mais il existe un usage simultané d’une langue bien plus ancienne que le français : la langue d’oc, appelée aussi occitan (nord-occitan limousin dans le canton d’Hautefort) et que nous appelons entre nous familièrement « le patois ».

Chez nous, l’usage courant du français, oral, majoritaire n’a pas 100 ans d’existence.

Avant la guerre de 14-18, la langue utilisée par la quasi-totalité des gens, dans la communication quotidienne est la langue d’oc citée ci-dessus. Entre les deux guerres, cet usage est plus partagé, après la guerre de 39-45, le français devient langue majoritaire dans la communication de tous les jours. Mais la langue d’oc subsiste, surtout à la campagne et y résiste bien jusqu’à nos jours.

Ainsi, même si nos noms de lieux ont été “francisés” par le cadastre et les cartographes, nous n’en trouverons sans doute pas d’origine française.

 

La langue d’oc :

Elle pèse de mille ans d’existence sur notre région. Depuis son apparition vers le début du Moyen-âge, malgré les guerres de conquêtes des Capétiens, malgré la Croisade contre les Albigeois, malgré l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 qui impose le “françois” dans les écrits officiels, malgré la monarchie absolue, malgré l’empire, malgré la IIIème République qui alphabétise exclusivement en français tous les enfants du pays, ce sont bien mille ans d’usage quotidien de la langue d’oc qui façonnent la plupart des noms de lieux du Périgord et du grand sud de la France.

La langue d’oc est largement diffusée au Moyen-âge par les troubadours qui sont parmi les plus fameux du Périgord. Elle est alors la langue de culture, langue d’un certain savoir inter-nations, langue poétique, peut-être la première langue européenne à se doter d’un système d’écriture cohérent (celui des troubadours dont on s’est inspiré aujourd’hui pour la graphie dite “classique” de l’occitan).

Elle constitue le fonds le plus important des micro-toponymes de notre région. Citer des  exemples serait inutile tant ils sont nombreux.

On peut cependant noter une particularité dans la tradition de création des noms de lieux à partir d’un nom de personne : la terminaison “-ie”, “-ià” en occitan, que l’on trouve dans l’Arnaudie (domaine d’Arnaud), l’Endrevie (domaine d’Andriu), la Renaudie (domaine de Renaud), avec parfois des faux-amis : l’Abeille, l’Abelià (domaine d’Abel) ...

 

Avant la langue d’oc, peut-être dans le haut Moyen-âge, certains linguistes s’accordent à localiser une période où les parlers romans du sud (parlers d’oc) vont se différencier des parlers romans du nord (parlers d’oïl). Ceci est dû à l’influence des Francs, peuple germain qui va asseoir son emprise militaire et politique sur le nord de ce qui n’est pas encore la France mais plutôt “la Francie”. Cette influence germanique ne se fait pas sentir dans le sud dont nous faisons partie.

 

Ces parlers romans (influencés par le latin) se fixent au moment de la conquête romaine jusqu’après la chute de l’empire (vers le Vème siècle).

L’empire romain introduit en Gaule le latin populaire de son armée et surtout de son administration. Ce latin, langue de l’occupant, seule langue-témoin écrite de la conquête, cohabite avec la langue celte parlée dans notre région qu’on appelle le gaulois.

 

Dans ce gallo-roman, combinaison des deux langues, différente selon les régions, il ne faut surtout pas sous-estimer le “gallo”, le gaulois.

De cette période de cinq siècles où l’empire romain développe une colonisation rurale organisée à partir de grands domaines agricoles, on retient les terminaisons  “ac”, survivances d’un suffixe gaulois “acos” ou romain “acum” qui signifie “propriété de”. Le reste du mot est un nom de personne. Ainsi : Tourtoirac (domaine de Turturius), Chourgnac (Scaurinius), Montignac (Montanius) ... On en trouvera peu en microtoponymie, ces lieux importants étant devenus dans les siècles suivants paroisses, puis communes.

La Gaule romaine connaît vers le IVème siècle, l’invasion de divers peuples “barbares” en quête de territoires, de pillages ou fuyant eux-mêmes une autre invasion.

Bien que les Wisigoths aient choisi Toulouse pour capitale pendant un siècle et qu’ils aient largement occupé le pays, leur langue ne restera chez nous qu’au travers de quelques terminaisons “ens”, marquant la propriété d’un personnage goth important. Il est vrai que l’empire romain défaillant leur confie peu à peu la conduite des domaines.

Mais c’est bien le latin de l’empire romain qui va modifier durablement la langue gauloise des Pétrucores, sans pour autant l’effacer.

 

Car le gaulois (langue celte) est en usage chez nous depuis fort longtemps : -800 ou -900 ans d’après certains historiens, depuis bien plus longtemps encore disent certains autres. Cette langue va donc être utilisée dans notre région pendant plus de dix siècles sans doute. Elle va façonner bon nombre de micro-toponymes, être influencée par le latin vulgaire puis être “absorbée” presque telle quelle par la langue d’oc. En effet, les toponymes d’origine gauloise sont transparents dans la langue d’oc, l’autre langue de grande influence sur le pays.

Ainsi dans le vocabulaire gaulois pour la végétation : verno (vernhe : aulne), cassano (casse : chêne), brogilo (bruèlh, breuil : bois), bruc (bruga : bruyère), alisia (alisier), betu (betol : bouleau), bodiga (boiga : friche), buxo (boissière : buis), landa (lande), lemo (orme), salix (saule), tanno (chêne) . ..

Pour le relief ou la nature du sol : uxello (haut), cumba (combe), vobero (vaure : ravin), croso (grotte), cammino (camin : chemin), lausa (lause), albuca (marne) ...

Pour l’hydrographie, le suffixe “-onna”, (Beauronne, Dronne, Gardonne …) cambo (courbe), condate (confluent), nanto (vallée) …

En toponymie, on retrouve la langue gauloise dans le suffixe “-ialo” “-uejols” : clairière. Il a été francisé en “euil” : Boisseuilh (buxo : buis), Limeuil (lemo : orme), Nantheuil (nanto : vallée), Mareuil (maro : grand), Limejouls (lemo : orme), Valojoulx (aballo : pomme) ...

 

Et là s’arrête notre Histoire avec un grand “H” car avant les Gaulois, point de trace d’écriture dans notre pays. Nous entrons donc, toujours à rebours, dans la protohistoire, puis la préhistoire. Nous ne connaissons (pour l’heure) rien des langues parlées à ces âges.

À la rive gauche de la Garonne, on les dit aquitaniques (le basque en est). En Languedoc antique, on les dit ibériques, en Provence antique : ligures. Mais on ne dit rien pour les langues de cette frange-là du Massif Central périgourdin ... Alors on les nomme “préceltiques” ou “pré-indo-européennes”.

On sait cependant, par élimination, qu’elles sont présentes dans de vieux termes servant à nommer le relief : suc (le suquet), tuc (la tuquette), cuc (montcuc), sar, ser (la serre), cant (cantegrel) ou les cours d’eau : tur (touron, turançon) ... 

C’est donc un rendez-vous

que je vous fixe, en guise de conclusion. Un moment de votre choix pour travailler à cette belle œuvre de mémoire enfouie que personne ne consacrera si vous ne la réalisez pas.

Daniel Chavaroche, maître d’occitan, 18 avril 2009

 

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