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16 avril 2011 à La Rochette

Visite de La Rochette

LA ROCHETTE :
UNE CHARTREUSE, UNE FAMILLE


L’Assemblée générale du 16 avril 2011 s’est achevée par une visite à La Rochette, berceau des Reynaud de Larochette. Propriétaire des lieux depuis 1990, Monsieur Thomas McDonald s’applique à restaurer cette chartreuse avec tout le soin d’un amoureux des belles pierres. Soucieux du respect des règles architecturales qui ont fait du Périgord cette région où nombre de collines semblent couronnées, sinon d’un château, du moins d’une noble demeure, Monsieur McDonald obtient au bout de vingt ans de coûteux efforts un résultat remarquable. En 2004, sans doute soucieux de faire connaissance avec ses prédécesseurs en ces lieux, Monsieur McDonald s’est penché sur la généalogie des Reynaud de Larochette ; cette recherche a donné lieu à la publication dans le Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Périgord de l’article «Reynaud de Larochette : une famille de «nobles bourgeois» et leur repaire sous l’Ancien Régime et la Révolution». (Thomas McDonald. Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Périgord – Tome CXXXI – Année 2004, désigné plus loin par «T. McD. BSHAP CXXXI – 2004»). Nous nous faisons un plaisir de puiser largement dans ce texte, avec l’accord de Monsieur McDonald, pour vous faire partager les recherches et vous présenter La Rochette, un lieu, et accessoirement, une famille.

 

DÉCOUVRIR LA ROCHETTE

L’étymologie de La Rochette paraît si évidente qu’on oublierait de s’y intéresser. Pourtant, à La Rochette, point de rocher, point de rocs. Le mot «Rocca», a été «transmis au latin, et employé jusqu’à la fin du Moyen Âge pour désigner non seulement un rocher, mais également le château qui le dominait.»

(Toponymie des pays occitans, Bénédicte Boyrie-Fénié et Jean-Jean Fénié, Éditions Sud-Ouest, 2007, p.72).

Ceci laisserait supposer que l’occupation de ce site est très ancienne. Plantée à la limite d’un coteau pentu, la chartreuse de La Rochette domine, vers le nord, le vallon où la Beuze prend sa source ; jusqu’à l’horizon se déroulent des vagues de forêts que seul surprend au loin le blanc inattendu de la clairière de Clairvivre. L’horizon, c’est la Corrèze au nord de Juillac. Cette implantation au bout d’un chemin en cul-de-sac perpendiculaire à la route Badefols-Saint-Agnan et en limite de zone de faible pente se retrouve pour les implantations voisines de La Francille et du Térail, distantes de quelques centaines de mètres de La Rochette.

 

L’ASCENSION DES REYNAUD DE LAROCHETTE

Le premier Reynaud désigné «sieur de La Rochette» est Pierre Reynaud de Larochette, né le 8 mars 1633. (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p 577).  T. McDonald mentionne en note de bas de page Archives de Mme Bosselut. Son père se nommait Pierre Reynaud de la Francilhe, une terre juxtaposée à La Rochette (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, note 8 p 577).

Dans son Livre de Raison, Jean RAFFAILHAC, juge installé à Rafaillac, paroisse de Badefols d’Ans mentionne en novembre 1663 qu’«Il y a proces criminel entre Huguette REYNAUD de la ROUCHETTE filhe a feu la Francilhe et sœur du Sieur ROUCHETTE et du CLUSEAU medecin laquelle a faict plainte contre Leonard RAFFAILHAC autremant LAROUVERADE mon nepveu » (Livre de Raison, Jean RAFFAILHAC p 218, désigné plus loin par  «L. de R., J.R.»).  Ce sieur de la Rochette, s’il s’agit bien du même, était donc médecin. Jean RAFFAILHAC, critique la façon que «la damoiselle de la Rouchette» a de se montrer et ne manque pas de rappeler l’origine modeste de sa famille ; et si elle est titrée, c’est de fraîche date :

«Et ROUCHETTE son frere la faisoit traitter de damoiselle de la ROUCHETTE […] Elle portoit plus de ribans que touttes les autres du voisinage et navoit autre soingt qua cella et se tenuir dans la grandeur. Mais elle ny ses freres ne se considerant pas, mettoit en oubly leur naissance, car leur père estoit ung simple praticien, son ayeul estoit procureur doffice de la Chappelle quy avoit faict sa maisonet en appelloit Pierre de Gabarichou homme quy avoit porté des souliers mais jamais de bottes. Et pour son père bis ayeul de ceux quy sy estoit ung pauvre petit laboureur…» (L. de R., J.R. p. 218, année 1663)

Jean RAFFAILHAC n’est pas tendre avec cette fraîche noblesse : le père était un simple praticien, c'est-à-dire au XVIIe siècle, une personne qui connaît bien la pratique du droit, l’usage du barreau, les formes et les procédures de la justice. (D’après Dictionnaire de Furetière, 1690 P. 207, Tome troisième). Le grand-père allait à pied, il portait souliers ; lorsqu’on va à cheval, ce qui n’est pas donné au commun des mortels, il faut des bottes. Témoin de son temps, Jean RAFFAILHAC, assiste, avec un certain mépris, à l’ascension sociale d’une bourgeoisie provinciale et campagnarde, dont il fait déjà partie de plus longue date.


En tenant notre Assemblée Générale 2011 à la Chartreuse, l’ancien presbytère de Saint-Agnan, déjà, le lien était fait avec La Rochette ; en effet …

«… Pierre Reynaud de la Rochette (né en 1676), fut prieur et curé de Saint-Agnan de 1715 à 151, mourut au château de Hautefort et fut enterré dans l’église de Saint-Agnan. L’abbé de Larochette fit construire en 1719, sur ses propres deniers, le presbytère de Saint-Agnan». (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p. 578)

Le marquis de Hautefort n’a que peu d’indulgence pour ce personnage «… fils d’un petit bourgeois de la paroisse, c’est un grand chicaneur, il faut avoir attention aux demandes qu’il fait …» (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p. 578)

Il est également à noter que, lors des travaux de transformation de l’ancien presbytère en centre de loisir à la fin des années 1990 et au début des années 2000, les boiseries de l’ancien presbytère furent rachetées par Monsieur McDonald pour être réinstallées à La Rochette.

La promotion sociale des Reynaud de Larochette se poursuivit au long du XVIIIe siècle. Des alliances se nouèrent avec les familles locales de même profil.  Ce sont les Lidonne, les Lansade de Plagne, les Merilhou (de Cherveix). Les Reynaud de Larochette sont magistrats, militaires ou prêtres pour les descendants mâles, ou religieuses pour les descendants féminins lorsque ces demoiselles ne sont pas mariées dans une «bonne» famille, schéma social qui n’a rien de rien de surprenant dans une famille appartenant ou souhaitant appartenir à la noblesse.

 

UN PASSAGE DIFFICILE : DE L’ANCIEN RÉGIME AU XIXe SIÈCLE

«Léonard avait de nombreux frères et sœurs. Trois de ses sœurs étaient religieuses, Jeanne, marie et Françoise, et un de ses frères prêtre, Nicolas Reynaud de Larochette, curé de la paroisse de Ginestet, près de Bergerac. Une autre sœur, également prénommée Françoise, épousa François Mérilhou de Cherveix. Les deux fils de Léonard, Pierre-Bernard, né le 6 avril 1766, et Pierre, né le 4 avril 1767, débutèrent leur carrière dans l’armée du roi. Pierre, le cadet fut nommé aux Gardes du corps du roi le 23 mars 1783, quelques jours avant son seizième anniversaire, et son aîné, Pierre-Bernard, le fut également le 1er octobre 1784, à l’âge de 18 ans.» (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p. 580)

Parallèlement, la demeure s’agrandit : vers 1727 Pierre-Bernard Reynaud dote le bâtiment de «l’aile au Levant» (d’après les archives de Mme Bosselut : T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p. 579, note 17). La façade de cette aile, où le grès rouge qui rappelle la proximité limousine ponctue le bel appareil calcaire des hauteurs voisines, ouvre ses toitures vers la cour par trois lucarnes travaillées. D’après G. du Mas des Bourboux  cité par T. McDonald (BSHAP CXXXI – 2004, p. 579), cette réalisation traduit dans la pierre la volonté de promotion sociale d’une famille.

«Le statut de bourgeois vivant noblement se reflète dans les armoiries de la famille, répertoriées par Froidefond de Boulazac parmi les armoiries bourgeoises composées d’éléments parlants : en pointe un rocher symbolisant La Rochette et en chef, deux étoiles encadrant un croissant, éléments caractéristiques des familles consulaires.» (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p. 579).

Le terme consul désigne alors «les principaux Officiers d’un bourg ou d’une petite ville dans les provinces Méridionales de la France, qui ont soin des affaires publiques de la Communauté» (Dictionnaire de Furetière de 1690, tome 1). Ils répartissent l’impôt dont ils sont parfois responsables sur leurs propres deniers, s’occupent du logement des gens de guerre, etc… Les Reynaud de Larochette sont des notables.

Un Larochette, Pierre, était de ceux qui défendirent Versailles les 5 et 6 octobre 1789 lorsque les femmes parisiennes, au bout de deux jours de siège, ramenèrent à Paris le «boulanger, la boulangère et le petit mitron». Son frère Pierre-Bernard et lui-même, tous deux intégrés aux Gardes du corps du roi furent pris dans le tourbillon de la Révolution qui par eux, vint frapper à la porte de La Rochette. En 1791, ils émigrèrent à Coblence. Ils rejoignirent leur corps d’armée sous la direction du prince de Condé. Cette armée qui arpenta l’Europe et connut bien des vicissitudes fut finalement dissoute en 1801 à Gratz. (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p. 588).

La Rochette fut mise sous séquestre et les parents des deux soldats assignés à résidence. Leur père fut même emprisonné entre avril 1793 et février 1794 (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p. 583). L’inventaire détaillé qui fut dressé par les officiers municipaux de Nailhac «nous permet de connaître l’ameublement de la maison et de constater que la disposition actuelle des pièces est à peu près la même que celle de l’époque Révolutionnaire.» Ainsi est-il possible d’identifier «notamment le tournebroche et les chenets de la cheminée de la cuisine, ainsi que les boiseries du salon.» (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p. 584).

La cour que nous avons découverte ce 16 avril est bien différente de celle d’il y a deux siècles : «… la cour de La Rochette était entièrement fermée. L’entrée de la cour se situait sous un porche entre la chapelle à droite et un logement pour des domestiques à gauche. Ce porche, ainsi que toute l’aile sud de la cour contenant les écuries, furent démolies vers 1876 .» (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p. 585).

 

PLUS PRÈS DE NOUS

Pierre et Pierre-Bernard de Larochette rentrèrent en France, après les décisions d’amnistie prises par le Premier Consul pour panser les plaies de la Révolution et cimenter le pays autour de sa personne. Après la Restauration et un engagement dans les Gardes du corps du roi, Pierre fut rendu à la vie civile en 1815, décoré de l’ordre de Saint-Louis et promu au grade de chef d’escadron. Il fut maire de Nailhac de 1812, pense-t-on, à 1838. Son fils François- Maurice occupa la même charge de 1852 à 1860.

Vers 1875, le fils de ce dernier fit démolir l’aile sud de La Rochette, changeant totalement l’aspect de la cour ouverte «au sud sur un nouveau jardin à l’anglaise. La chapelle fut dotée d’une nouvelle façade.» (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p. 590).

 

La restauration rigoureuse a doté la chapelle d’admirables vitraux et d’un magnifique autel en noyer sur fond d’un bleu marial portant fleur de lis ; son sol en pisé (ou picha) compose avec des dalles de pierre géométriques et régulières.

 

 «À l’intérieur du bâtiment, plusieurs cloisons ont été bâties, au goût de l’époque, dans toutes les grandes pièces du rez-de-chaussée, remplaçant les pièces en enfilade par de plus petites, avec couloirs sur le côté, plus commodes pour la circulation et plus faciles à chauffer» (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p. 590). «La totalité de ces cloisons a été enlevée lors de la récente restauration pour reconstituer les volumes des pièces en question.» (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p. 590, note de bas de page 75).

La façade nord de la bâtisse a été percée d’une nouvelle porte débouchant sur un escalier de pierre bâti à l’identique sur celui de la résidence abbatiale de Tourtoirac. Au pied, une terrasse va y être aménagée.

 

EXTINCTION DU NOM ET VENTE DE LA ROCHETTE

 «… dans les premières années du XXe siècle, la famille de Pierre-Ernest REYNAUD de LAROCHETTE quittait les lieux pour s’installer dans la maison héritée de ses cousins Mérilhou, en face de l’église de Cherveix […]. La Rochette s’est peu à peu dégradée […] et fut vendue en 1990. Déjà en 1947, dans la succession de Léonarde Marie-Thérèse Reynaud de Larochette, la fille unique de Pierre Ernest, et la dernière à porter le nom Reynaud de Larochette, les bâtiments de La Rochette étaient décrits comme «anciens, très usagés».

Une restauration soigneuse de cette demeure est en cours d’achèvement.» (T. McD. BSHAP CXXXI – 2004, p. 592).

Cette promenade sur les terres de La Rochette vous donnera envie, nous en sommes certains, de lire dans son intégralité l’article de Monsieur Thomas McDonald que nous remercions d’avoir ouvert ses portes à notre assemblée. La Rochette en 2011 ? C’est une belle leçon d’architecture respectueuse de nos paysages à l’heure des mas provençaux en Périgord …

Daniel BLONDY


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