Hôtel de ville - Rue Sylvain Floirat
24 390 Hautefort
Tél : 05 53 51 58 67
Contact email

18 juin 2011 à la Papeterie de Vaux

Papeterie de Vaux

Papeterie de Vaux — 18-06-2011

 

C’est sous la pluie que nous quittons Pont Laveyrat. La petite route qui serpente sur les flancs des gorges de l’Auvézère nous conduit jusqu’en haut du plateau. Au carrefour, bordé de magnifiques châtaigniers en fleurs, nous reprenons la direction de Payzac et avant de franchir la rivière nous nous dirigeons vers la Papeterie de VAUX. Un petit pont nous permet de franchir le ruisseau des Belles Dames. Celui-ci quitte l’usine à qui il a fourni l’eau et l’énergie nécessaires à son fonctionnement. Ce petit cours d’eau de 12,8 km, également appelé ruisseau de l’Orne dans sa partie amont, prend sa source sur la commune de Beyssenac en Corrèze à près de 410 m d’altitude, près du lieu-dit la croix des débats. Il rejoint l’Auvézère en rive gauche à 243 m d’altitude en Dordogne, sur la commune de Payzac, deux kilomètres et demi au sud-est du bourg. Quelle est l’origine du nom de ce ruisseau ? Peut-être ce papillon migrateur, diurne, la Vanesse des chardons appelé Belle-Dame qui est très commun en Europe. Ses plantes-hôtes sont variées : grande ortie, chardon, mauve sauvage, entre autres. Au sortir du dernier virage l’imposante cheminée s’offre à notre vue et nous indique que nous sommes arrivés. En contrebas de la route les bâtiments de l’usine sont regroupés et abritent encore la machine à papier conservée en l’état, telle qu’elle était aux beaux jours de son fonctionnement. 

Le site de la papeterie de Vaux est situé sur l’emplacement de deux anciennes forges :

- la forge de Malherbeaux est mentionnée au XVIème siècle. Pendant la révolution française elle approvisionne la manufacture d’armes de Tulle.

- la forge de Vaux, de taille plus modeste, est située à quelques centaines de mètres de Malherbeaux. Installée sans doute au XVIIème siècle, c’est une affinerie appelée “forge à fer”.

 

Les différents propriétaires :

- En 1806 les deux forges sont la propriété de Jean Combescot, prêtre de la paroisse d’Excideuil et maître de forge.

- En 1818 elles sont cédées à Bernard Bon qui transmet leur exploitation à son fils aîné.

- En 1839 la forge de Malherbeaux est affermée par Hippolyte Bon qui reçoit en 1841 la propriété de la forge de Vaux.

Au milieu du XIXème siècle, la plupart des forges du Périgord sont dans une situation difficile. Le traité de libre-échange signé entre la France et l’Angleterre en 1860 porte un coup mortel aux maîtres de forges périgourdins. Ils ne peuvent pas lutter face à la concurrence des installations métallurgiques britanniques plus productives, offrant des fers à moindre coût.

À la même période, les fabriques de papier de paille sont au contraire, en pleine expansion. La paille de seigle offre une matière première avantageuse, le seigle, céréale des terres acides et pauvres est cultivé abondamment dans cette région du Périgord-Limousin sur les sols granitiques. Il présente une paille de grande longueur, riche en cellulose.

 

La création de la papeterie de Vaux-Malherbeaux :

C’est en 1863 que la société “Bon, Anglard et compagnie” pour “le commerce des papiers de paille et des fers fabriqués dans les usines de Vaux et Malherbeaux” est créée par Camille Bon frère cadet d’Hippolyte Bon.

Le 14 octobre 1876, la papeterie de Vaux doit cesser toute activité à la suite d’importantes inondations. La digue de l’étang a été emportée ainsi que la papeterie. De même, l’usine de Malherbeaux est en partie détruite.

 En 1878, la société “Bon, Anglard et compagnie” est dissoute. Félix Bon, fils de Camille Bon acquiert les droits sur Vaux et Malherbeaux. Dans le contrat, on peut lire : “L’usine à papier paille forme deux exploitations séparées et reliées entre elles par une route, d’un parcours de quinze cent mètres environ... l’exploitation de Vaux sert à la conversion des pâtes en papier jaune..., et celle de Malherbeaux, est destinée à la macération et à la trituration des pailles qui y sont réduites en pâte...”.

 

La papeterie “DIEUAIDE ET Cie” (1893 - 1919)

Félix Bon dépose son bilan le 23 février 1893. La papeterie est rachetée le 9 août 1893 par Paul Martial Dieuaide et Jean Ragot qui créent la société “Dieuaide et Cie”.


La papeterie RAGOT (1919-1968)   

À son retour d’Allemagne en 1919, Léon Ragot prend la succession de son père et rachète pour un montant de 48 000 Francs, les parts de Paul Martial Dieuaide. La papeterie de Vaux produit alors du papier de paille pour usage alimentaire. Le décret du 28 juin 1912 interdit de placer en contact direct les denrées alimentaires humides ou grasses avec des papiers usagés manuscrits ou imprimés. L’hygiène la plus élémentaire exige l’emploi du papier paille. Malgré cela, l’arrivée sur ce marché de nouveaux papiers oblige la papeterie de Vaux, dans les années 1950, à développer du papier pour sac d’emballage et, dans les années 1960 elle produit essentiellement du carton à partir de papiers recyclés destiné aux cartonnages ondulés. Après les années de prospérité de l’après-guerre, une crise durable s’abat sur la papeterie de Vaux-Malherbeaux qui conduira à sa fermeture en 1968.

 

LA VISITE DU SITE…

Nous sommes accueillis par nos hôtesses et nous nous répartissons en deux groupes. La visite débute par une salle du rez-de-chaussée et par une explication sur la préparation de la pâte à Malherbeaux. Le hache-paille présenté permettait de couper la paille à une longueur de cinq centimètres. Celle-ci était ensuite introduite dans une cuve et arrosée avec du lait de chaux. Après macération, elle était broyée et transformée en pâte à papier par des meules en granit. Les deux meules que nous découvrons sont impressionnantes. Elles étaient entraînées par une grande roue, en fonte pourvue de dents d’engrenage. Savez-vous que pour donner plus de souplesse au mécanisme et pour limiter le bruit de ces engrenages, les dents étaient confectionnées en bois de cormier (ou sorbier), ce qui les rendait interchangeables en cas de rupture, système très astucieux ! La pâte ainsi obtenue était chargée dans des tombereaux tirés par des bœufs de race Salers et acheminée à la papeterie. Les dernières feuilles de papier fabriquées sur le site sont conservées dans ce tombereau ainsi qu’un registre sur lequel sont notées les livraisons de paille.

La visite continue et lorsque nous entrons dans cet autre atelier, nous sommes frappés de découvrir la machine à papier telle qu’elle était ce jour de 1968 où elle s’est arrêtée. Cette chaîne de fabrication du papier, montée vers 1865, dans des ateliers d’Angoulême est la dernière en Europe intacte de cette époque. Étrange ambiance ! Tous ces ensembles mécaniques qui, autrefois étaient en mouvement, dans le bruit et la chaleur, surveillés, auscultés et entretenus pour produire dans les meilleures conditions, des papiers réputés et commercialisés en France et dans les territoires d’outre-mer, semblent endormis pour l’éternité. Ici pas de cadrans, de régulations complexes, d’assistance à la conduite. Seulement des hommes à l’écoute de leur machine, attentifs au moindre dysfonctionnement, au moindre bruit anormal. Un processus de fabrication élaboré patiemment, intuitivement, imposant au maître papetier et aux ouvriers un sens aigu de l’observation et une connaissance parfaite à chaque étape de fabrication.

Tout commençait au plancher du demi-étage, en tête de machine, où un ouvrier réceptionnait la pâte à la sortie du tombereau. Cette pâte très concentrée, était introduite manuellement dans un cuvier en contrebas. Bien délayée, avec plus d’eau que de pâte, elle était remontée à l’aide d’une pompe dans deux raffineurs. Dans ces raffineurs appelés “piles Hollandaises”, construits par les fonderies voisines du Limousin, la pâte était brassée par un cylindre muni de lames. En modifiant la position verticale de ce cylindre jusqu’à l’amener à frotter sur une platine, elle même munie de lames pour couper les fibres où, en le relevant pour brasser la pâte, ce système permettait d’améliorer la qualité de la pâte et d’obtenir une meilleure homogénéité. Un dernier transfert dans un cuvier et la pâte, agitée en permanence, était introduite par débordement dans la forme ronde. En 1861, ce système ingénieux pour l’époque est à ce moment-là, unique en Europe.

Un cylindre, recouvert d’un treillis très fin, est à demi-immergé dans un cuvier rempli de pâte très liquide. Sa rotation permet à la pâte de se déposer de manière uniforme sur toute sa surface et assure ainsi la formation de la feuille de papier. La feuille ainsi formée était acheminée par des feutres qui passaient entre des rouleaux maintenus en pression pour, tels des buvards, absorber l’humidité contenue dans le papier. Le séchage était obtenu par évaporation. La feuille passait sur des cylindres remplis de vapeur d’eau produite dans la chaufferie voisine. À ce stade-là, la feuille de papier était terminée.

En fin de machine, l’enroulage permettait le conditionnement en bobine. Un massicot situé en aval de l’enroulage pouvait également, couper le papier en feuille au format souhaité. Le papier ainsi conditionné et emballé, était acheminé à la gare de Payzac pour être expédié chez le client.

Notre visite continue et dans une salle attenante, nous découvrons les chaudières à charbon qui fournissaient la vapeur d’eau pour le séchage du papier. Sur ces machines également, très peu d’indicateurs. Leur conduite nécessitait une attention accrue du conducteur pour conserver une température et une pression quasi constante en modérant ou en activant le feu dans le foyer. L’une de ces chaudières aurait été transportée de Lyon à Vaux par traction animale ...

En sortant de la chaufferie, nous franchissons le canal de sortie qui permet à l’eau de rejoindre le cours principal du ruisseau. En remontant ce canal, nous découvrons les deux roues à augets magnifiquement restaurées. Ces roues fournissaient l’énergie nécessaire au fonctionnement de la papeterie, entraînant la pompe, les différents agitateurs ainsi que la rotation des rouleaux de la machine.

En amont, l’actuelle chaussée servait de retenue à un étang aujourd’hui envahi par la végétation. Une vanne de décharge conduisait l’eau par des abées au-dessus des roues. C’est la chute de l’eau qui leur transmettait son énergie. L’usage de roue à augets (ou godets), de par sa forme et son alimentation en eau par le dessus, convient bien aux forts dénivelés et aux faibles débits. En effet, si le débit d’eau est parfaitement réglé et si les augets sont suffisamment étanches, toute l’eau arrivant sur la roue est utilisée et on obtient ainsi, un excellent rendement.

La visite des ateliers se termine ici. Les abords immédiats du site, parfaitement entretenus, ont été dégagés au début de l’année 1995 par les “Chantiers du petit patrimoine périgourdin”. Un atelier pédagogique a également été créé afin d’expliquer simplement au visiteur le processus de fabrication d’une feuille de papier.

De retour dans la salle d’accueil, une vidéo projection retrace l’histoire de ce site industriel. Le film que voyons a été tourné avant l’arrêt de la fabrication. Il nous permet ainsi de découvrir la machine à papier en fonctionnement et le personnel au travail. Les conditions de travail étaient très éloignées de ce que l’on connaît aujourd’hui. “On travaillait aussi bien le dimanche que la semaine. On faisait douze heures par jour. En usine, en haut, on était quatre pour 24 heures. Alors on faisait 12-12. Pendant quinze jours, on se couchait à minuit, et pendant quinze jours on se levait à minuit. En fait pour embaucher à minuit, il fallait qu’on se lève à onze heures. C’était fatigant. En 1968, on ne travaillait plus la nuit, sauf à Malherbeaux, où on faisait les 3 × 8. mais il y avait une bonne ambiance de travail”.

 

La papeterie de Vaux, a été cédée par Madame RAGOT à la commune de Payzac en 1994. Classée Monument Historique en 1996, elle fut réhabilitée sous la houlette de la DRAC Aquitaine (Direction Régionale des Affaires Culturelles) et du cabinet de l’architecte en chef Philippe Oudin. 

C’est ainsi que se termine notre visite à la Papeterie de Vaux. Nous remercions Madame RAGOT de nous avoir honorés de sa présence et nous lui adressons nos respectueuses salutations. Nous remercions également nos hôtesses pour leur gentillesse et pour la pertinence de leurs explications.

Source des informations site internet

Michel DESMAISONS


Retour